Ego 4

Ego4 ! [E]crin des [G]ouffres et de l'[O]r - 1 entité poétique, [4] auteurs (F.G.W.C) Poésie en vers ou de verre brisé, désillusion et élévation, irrévérence et nonchalance, prose aérienne ou aencrée dans les entrailles, le maudit et l'espoir, beat et beatitude, la beauté et la ruine...
Communauté du verbe et de la vision, à la recherche du vrai, jusque dans l'horreur, le corps, le lâcher prise, l'abject, la démence, la folie, la perte de contrôle et de repères, le jouir!"

20 novembre 2006


Le vide


J’ai 30 ans. Avant je m’en contrecarrais de l’âge. Pourtant aujourd’hui j’en prends conscience, enfin depuis que j’ai senti le corps de ma mère se refroidir dans mes mains j’ai accusé l’échéance. Je n’ai cependant rien changé à ma façon de vivre. Je continue à avoir peur du changement et je n’ai toujours pas donné la vie pour réaliser la mienne. Je m’enferme chaque jour un peu plus dans des certitudes solitaires. Je me rassure en prolongeant mes amitiés éternelles que je rassemble autour d’un écran ou dans la spontanéité d’une gorgée de bière. L’amour me fout la trouille aussi, je suis perclus de crampes quand j’imagine qu’il va m’enserrer, me vider et m’amener à un point où l’obsession deviendra un refrain obsédant rythmant le beat de la pensée. Alors je fuis, j’élève la fuite en art, je détourne et contourne les visages souriants qui lèchent mes promesses pour les adoucir. Je me nourris de muses, j’écris, je chante et je filme la vie pour lui donner un relief, je l’offre au voyeurisme persuadé que je serai toujours le premier et unique spectateur d’un orgueil fantoche.

Je rêve de devenir vide.

Je travaille dans une boîte de marketing pour gaver l’homme d’images et repaître son esprit d’une fièvre où les migraines deviennent des films, des séquences où l’on n’agit que par procuration en soumettant sa propre trame par le truchement d’un infini blanc. Je dors mal souvent, je me réveille avant l’heure avec le dos de ma mère en voile brouillé. Je crève de froid en gagnant la douche où tous les matins je me sens vivre rien que parce que les mains pliées contre le mur je reçois le jet sur la peau, c’est l’eau qui me touche. Je n’avale rien, je m’habille mécaniquement, je dévie dans les files et je dévale toujours la même route, Sisyphe d’un cercueil en sursis. J’accomplis les mêmes tâches dans la connexion, je me connecte à la grande farce virtuelle, je la ressens pauvre et factice mais elle me possède comme un reflet déformé. Je ne bande presque plus en journée, je dois solliciter l’imagerie pour me sentir animal. Je m’abstiens dans la dépendance, je dépeins les fragments d’une vie que je souhaiterai riche et intense.

Et là encore je rêve de devenir vide.

Je meurs de solitude, pourtant je chante encore quand la nuit tombe et efface le jour comme on rature la case blanche d’un agenda. Encore un, un de moins, un de plus à joncher le sol d’une poussière, unique substitut d’une trace de passé. J’ai envie de pleurer parfois mais je n’y parviens pas, je me raconte une histoire triste pour imbiber l’iris d’une mélancolie dont je suis déjà détaché parce qu’elle n’est plus rattachée à un idéal. Je ne lis presque plus, je ne me lie plus, j’ai des noeuds en travers de l’âme. Je dois détester au fond ce que je suis alors que je brandis mon égo aux jugements borgnes. J’ai la phobie de l’abandon alors je te quitte, je te déçois, je t’abuse en te faisant la promesse d’un élan, d’une envie, d’une pulsion où je te déchire le cœur comme j’égorge ta peau dans un écrin de sang, juste pour avoir chaud. Quand je jette un regard froid sur moi, je ne peux m’empêcher de penser que je suis lucide en fin de compte. Je souris souvent en observant les hommes se défaire de leurs angoisses en construisant, en sublimant leurs errances dans des projets qui les définissent acteurs d’un choix. Mais au bout de la route, à l’écart des chemins de traverse, sur la longue ligne droite vers le vide, ils ne sont que les néons d’une lumière bleue et impalpable. Ils scintillent un temps, puis juste par intermittence avant de s’éteindre avalés sans semonce par la nuit sombre, ne parvenant même plus à jeter autour d’eux le souvenir d’une ombre.

Un jour je serai vide et libre.


G.



15 novembre 2006


En deux temps éperdus


Candeur usant, j’ai cru mourir à chaque blessure
j’ai mis un point d'honneur à souffrir tout mon saoul
chutant, à me débattre en criant à l'injure
à mettre un frein d'horreur aux pulsions qui défoulent

Haine humant, j’ai du cracher cette imposture
une invective trop tard soudain déchet d’espace
j’ai invoqué l’épure comme on évoque l’azur
subitement terni alors même qu’on le trace

...

Pour m’éloigner des chemins saturés d’illusions
j’ai transpercé leurs éclats répandus alentours
j’ai écrasé leurs échos scandant l’évasion
d’une foulée cherchant les cyniques détours

...

Des "à quoi bon" émergent, décortiquant les heurts
entre deux frayeurs, sans fuir le temps éperdu
d’éveils en évanouissements, l’abandon conçu
d’une errance à deux temps que l’insomnie effleure

F.



06 novembre 2006


Délire opiaque


...
Ces voix qui se cognent à moi, on m'interpelle
qui parle de moi? C'est quoi ces mots que j'exhale
et cette peur étendue là, excorporelle
tandis que je m'élève à quatre pattes, foetal
et que je rampe en suspension, bile aux lèvres
et qu'on rit avec lui, qui m'a volé mon être.

...

La tête posée sur le bois tiède, je suis un tout
le brouhaha revient vers moi, distordu, mou
il a des mains qui me soulève, puissant Shiva
enfonce dans mon crâne des ordres et des rires gras
jusqu'à ce que convulsé, je me sente expulsé
flottant sur un séisme d'où je m'observe
étendu sur une natte, lové dans une rangée
de cinq corps sismiques métronomant leurs verges
dans un marasme opaque de chambrée priapique
Claquent les paumes humides sur les bas-ventres vides
puis fusent des jurons maudissant tristes chiques

...
j'ai mélangé des gestes à des actes innés
une gigue confinée au nuage sur pilotis
et j'ai rêvé longtemps avant de disparaitre
dans un rêve incolore, enrobant, comateux
et j'ai rêvé sachant que ce songe adipeux
dépeignait horizons vus d'une fêlure à naître
cachée dans le grenier d'un moi me faisant deux

F.