Ego 4

Ego4 ! [E]crin des [G]ouffres et de l'[O]r - 1 entité poétique, [4] auteurs (F.G.W.C) Poésie en vers ou de verre brisé, désillusion et élévation, irrévérence et nonchalance, prose aérienne ou aencrée dans les entrailles, le maudit et l'espoir, beat et beatitude, la beauté et la ruine...
Communauté du verbe et de la vision, à la recherche du vrai, jusque dans l'horreur, le corps, le lâcher prise, l'abject, la démence, la folie, la perte de contrôle et de repères, le jouir!"

13 octobre 2006


Assesseur


En quelques heures dans un hangar froid, long et austère, assis derrière un banc, trônant comme un jury, j’ai vu défiler 559 personnes, ces 559 personnes logées respectivement dans 6 rues, vivent dans le même quartier et ignorent tout les unes des autres.

Dans la file j’ai reconnu mon père souriant et amusé, les voisins mesquins qui saluaient d’une moue crispée et hypocrite, leurs petites lèvres sèches, la mère des enfants roux que la mienne naguère méprisait et qui, elle, avait un regard sincère, puis j’ai vu une foule de gens que je n’avais jamais croisé, dont je n’avais jamais soupçonné l’existence : des jeunes gays sapés comme des putes et tout juste sortis d’une descente, des vieillards solitaires nyctalopes d’une nuit infinie, des femmes avec des béquilles et une cancéreuse à la perruque mal ajustée, des couples, des couples qui se parlent en criant, encore des couples, fuck les couples et leur bonheur en conserve translucide, votre bonheur m’indispose, une vieille dame qui appelait son mari sénile "mon chéri", des bourges pantalon de velours et des tiers-mondistes hirsutes, des blacks, des asiatiques, des sud-américains qui ne pétaient pas un mot de français, des rappeurs casquette enfoncée, démarche chaloupée et air de frime à la con, des bobo avec jeans déchirés et des pulls sans forme qui rougissaient d’avoir des noms à rallonge, des handicapés, des chaises électriques et des hommes pliés en deux, des femmes sans espoir d’une vie duelle, un ivrogne titubant à prendre l’urne pour un urinoir, des arabes, le paki du coin, des familles modèles qui restent là plus de temps que les autres, des enfants modèles embrassant le bébé qui dort dans les bras de la mère en regardant le jury comme pour qu’ils puissent témoigner de leur perfection (si jeune et déjà acteurs de leur vie), des jeunes femmes sexy dont deux que j’aurai aimé baiser debout dans l’isoloir et à sec, un pompier avec des cheveux oxydés, un gendarme, des écolos avec des haleines de bouc, des fachos au pas décidé, des socialistes et des royalistes, la droite à ma gauche, un ancien copain de classe, son frère, sa famille, des gens sinistres, toile d’araignée de leur propre vie, des gens qui en une phrase envoie de la lumière, des fantômes et des marbres froids, des accents doux du sud, des timides et d’autres qui, la peur dans leur yeux, haïssent déjà, des riches avec des sillons, des tranchées, des béances qui les séparent du mec d’en face avec sa grosse femme et leur colonie de gosses, des hommes indifférents au sort des voisins de palier, des passagers d’une vie qui n’a plus d’existence hors des murs rassurants de l’immobilisme, des gens qui défilent sans conviction avec le vote dévolutif en case de tête comme unique secours. En quelques heures, j’ai vu la Belgique me dire bonjour pour la première et dernière fois de l’année avant qu’elle ne retourne se calfeutrer dans son ignorance de l’autre, dans son ignorance de cet homme qui la veille avait teinté ses murs de sang sans que personne ne le sache avec comme unique trace une croix dans la liste des manquants.

G.



1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Possible que ce soit vide de dire ça mais j'aime ces chroniques.

13/2/07 22:15  

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